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Les partenariats entre l’Union européenne et les pays africains sur les migrations. Un enjeu commun, des intérêts contradictoires

Matthieu Tardis | March 23, 2018

Depuis 2015 et la crise de l’accueil des réfugiés, le dialogue entre l’Union européenne (UE) et les pays africains sur les questions migratoires a atteint une nouvelle intensité. Souhaitant mettre fin aux arrivées irrégulières en Méditerranée centrale et augmenter le nombre de retours de migrants en situation irrégulière, l’UE a proposé un nouveau cadre de partenariat aux pays tiers dans le sillage de l’accord avec la Turquie de mars 2016. Ce cadre de partenariat s’adresse particulièrement aux pays africains en tant que pays d’origine et de transit des migrants qui arrivent en Europe. Il confère une nouvelle ampleur à la dimension externe des politiques européennes d’asile et d’immigration dont les effets ont été, jusqu’à présent, très limités. Celle-ci est désormais pleinement intégrée dans les relations extérieures de l’UE et de ses États membres. Autrement dit, la question migratoire se place au centre des politiques étrangères européennes.

Pour atteindre ses objectifs, l’UE s’est dotée d’un instrument financier qui s’est rapidement imposé comme l’outil le plus visible de la politique de partenariat en matière de migration. Le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique (FFU), adopté au cours du sommet de la Valette de novembre 2015, est devenu le signe d’une synergie renforcée, voire d’un alignement, entre les objectifs des politiques migratoires, de sécurité et de développement. Cependant, loin de répondre aux principes de partenariat et de responsabilité partagée, le FFU, comme les autres cadres de dialogue, reste entre les mains des Européens qui imposent leurs objectifs et contrôlent leur mise en œuvre. Les pays africains y trouvent peu d’espace dans lequel ils pourraient participer à la définition des objectifs et des moyens d’action.

L’asymétrie des cadres de partenariat souligne le contraste entre les enjeux et les attentes des différents partenaires. De fait, les intérêts des pays européens et des pays africains semblent divergents, voire contradictoires, en raison des réalités sociales et politiques différentes des deux continents. D’un côté, les Européens cherchent à obtenir une meilleure coopération des pays africains en matière de retour des migrants en situation irrégulière, de contrôle des frontières et de protection des réfugiés. D’un autre côté, les pays africains souhaitent développer les voies d’immigration légale vers l’UE que ce soit pour leur main-d’œuvre ou pour les réfugiés.

Si l’asymétrie des cadres de partenariat permet à l’UE d’imposer ses objectifs, elle doit cependant prendre garde à mieux considérer les intérêts et les enjeux de ses partenaires africains au risque de déstabiliser encore davantage ce continent déjà fragile. Ainsi, les dynamiques régionales intra-africaines sont mises à l’épreuve par la problématisation et la sécurisation de la question migratoire alors qu’elle est traditionnellement perçue comme une opportunité économique par les populations africaines. La détérioration de la situation des migrants et de la population de la région d’Agadez au Niger est un exemple des effets non anticipés de l’approche européenne. Cette dernière risque de mettre en danger les efforts des pays africains dans la mise en place de la liberté de circulation en Afrique qui a pourtant été un facteur de prospérité et de paix sur le continent européen.