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Lorsque la politique occulte l’indépendance de la justice sud-africaine

Mohammed Loulichki July 21, 2017

La décision du 15 juin 2017 de la Haute Cour sud-africaine ordonnant le maintien sous séquestre de la cargaison du phosphate marocain destinée à la Nouvelle-Zélande et le renvoi du dossier à un procès sur le fond, a suscité indignation et dénonciation de la part de l’OCP et du Gouvernement marocain, qui y ont vu une instrumentalisation du droit à des fins politiques.

En moins de trois semaines, deux cargaisons de phosphates extraites du sous-sol de la région du Sahara et exportées par la société Phosboucraa ont été mises sous séquestre, respectivement au Panama et en Afrique du Sud, et fait l’objet de deux jugements de portée différente.

En effet, le 1er mai 2017, suite à une demande du Polisario, les autorités portuaires Sud-Africaines ont profité de l’entrée au port Elizabeth, du navire « Cherry Blossom », pour mettre sous séquestre la cargaison de 55.000 tonnes de phosphates qu’il transportait à destination de la Nouvelle-Zélande et confisquer ses documents de bord, dans l’attente d’un jugement.

Le 17 mai 2017, un navire danois « Ulta Innovation » transportant 50.000 tonnes de phosphates pour le compte d’une société canadienne « Agruim », a fait l’objet d’une ordonnance du Tribunal maritime panaméen lors de son transit par le canal de ce pays, à destination de Vancouver.

Dans son jugement du 5 juin, la cour panaméenne s’est déclarée incompétente pour se prononcer sur cette affaire étant donné qu’elle concerne une question politique de dimension internationale, et a débouté le Polisario faute pour celui-ci d’apporter la preuve qu’il était le propriétaire de la cargaison.

Tout autre était le jugement de recevabilité de la cour Sud-Africaine prononcé le 15 juin et dans lequel il est affirmé que : « Le Polisario représente la plupart des populations du Sahara » et que l’exploitation des phosphates du sous-sol de cette Région « ne se fait pas au bénéfice de cette population ». Lors de ses prochaines délibérations, le juge sud-africain aura à déterminer l’identité du propriétaire de la cargaison de « Cherry Blossom » et l’applicabilité ou non de l’immunité de juridiction invoquée par les avocats de la partie marocaine pour amener cette juridiction à se dessaisir de cette affaire.

Cette décision a suscité de vives réactions au Maroc et des critiques à l’intérieur même de l’Afrique du Sud. En effet, dans un commentaire fait au lendemain de la décision de la Cour sud-africaine, le Think-Tank « Institut des Etudes Sécuritaires » (ISS) basé à Pretoria, a relevé, à juste titre, l’ « implication du Ministère des Affaires Etrangères sud-africain comme partie prenante dans cette affaire » et a interprété la décision comme « une réaction au succès du Maroc au sein de l’Afrique ».

La décision initiale de la Cour sud-africaine prend le contrepied de celle prononcée deux semaines auparavant par la juridiction panaméenne. Elle intervient dans un contexte marqué par une crispation dans les relations entre Rabat et Pretoria, et dont les plus récentes manifestations furent les positions adoptées par l’Afrique du Sud lors de la demande d’adhésion du Maroc à l’Union Africaine en janvier dernier.

En attendant les considérants et fondements de la prochaine décision de la Cour sud-africaine, il est d’ores et déjà permis de relever quelques observations et de faire quelques commentaires sur les arguments avancés par la Cour de Port Elizabeth pour justifier le maintien sous séquestre de la cargaison et des documents du navire danois. Cette analyse s’articulera autour des concepts utilisés, de la démarche suivie, de l'établissement de la compétence de la Cour et du contenu de sa décision.

1. Au niveau des concepts, la Cour s’écarte de la terminologie des Nations Unis ou procède à des qualifications qui sont juridiquement inexactes. Il en est ainsi du terme « occupation » (paragraphe38, paragraphe40), que ni l’Assemblée générale, ni le Conseil de sécurité des Nations unies n’utilisent dans le contexte des efforts visant à trouver une solution politique au différend autour de la récupération par le Maroc de son Sahara.

En outre, la Cour mentionne un accord tripartite qui aurait été signé entre le Maroc, l’ONU et le Polisario (paragraphe6) et qui aurait ainsi constitué une reconnaissance réciproque de jure des deux parties alors qu’en réalité, il s’agit des propositions d’Août 1988 présentées par le Secrétaire Général des Nations Unis, acceptées séparément par ces mêmes parties, et intégrées dans un document appelé plan de règlement. Ce même document a été adopté par le Conseil de sécurité par sa résolution 658 (1990) du 27 juin 1990.

2. Au niveau de la démarche, la Cour ne semble retenir que les éléments factuels et historiques qui corroborent la position officielle de l’Afrique du Sud, dans tout ce qu’elle a de concordant avec les positions de l’Algérie et du Polisario. A titre d’exemple, le processus de négociation en cours depuis 2007 ne trouve pas droit de cité dans le référentiel de la Cour, pas moins que les efforts du développement du Maroc dans la région. Il en va de même de l’exigence du recensement des populations des camps de Tindouf, réclamée depuis six années par le Conseil de sécurité et restée sans suite auprès de l’Algérie et du Polisario.

Autre exemple, la Cour impute au Maroc la responsabilité d’avoir rejeté le referendum prévu par le plan de règlement, alors que ce sont les Nations Unies qui ont établi ce constat dés l’an 2000 en raison de l’impossibilité de conduire a son terme le processus d’identification.

Enfin, la Cour, au lieu de s’appuyer sur des éléments objectifs ou sur un raisonnement juridique pour bâtir son argumentaire, se limite à des affirmations sans parenté, comme celle du premier paragraphe où l’on peut lire « il est dit que le territoire du Sahara occidental est le seul territoire africain qui continue d’être soumis au régime colonial ».

3. Au niveau de la compétence, l'Afrique du sud n'est ni le client ni le transporteur, ni le propriétaire du navire pour pouvoir prétendre à un intérêt pour agir. De même, que l’on considère le droit conventionnel, le droit coutumier, ou même la loi sud-africaine, le navire « Cherry Blossom » n’a commis aucune infraction à la réglementation de l’Afrique du Sud ou aux règles internationales, qui pourrait justifier son immobilisation et la mise sous séquestre de sa cargaison et de ses documents de bord. Son entrée dans le port d'Elizabeth pour approvisionnement était un acte routinier opéré de bonne foi, sans aucune appréhension ou doute sur le comportement à venir des autorités Sud-Africaine.  Par ailleurs, le Maroc n’a entrepris contre l’Afrique du Sud aucune action dommageable aux intérêts de ce pays, qui aurait pu justifier des mesures de représailles de sa part.  

En effet, le navire n'a commis aucune violation, à l'intérieur des eaux sous juridiction sud-africaine, qui aurait déclenché sa responsabilité conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Il ne s'est pas non plus rendu redevable d'aucune créance qui aurait justifié son immobilisation, selon la Convention de Bruxelles de 1952 sur l'unification des règles relatives à la saisie conservatoire. 

En l’absence d’une assise conventionnelle pour justifier sa compétence, la Cour de Port Elizabeth s’est basée sur la loi Sud-Africaine de mise en œuvre du statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale du 12 Juillet 2002, qui prévoit la compétence universelle. Or, il est notoire que cette compétence ne peut pas être invoquée pour un litige de nature commerciale et demeure explicitement et limitativement réservée aux crimes contre l’humanité, aux crimes de guerre, au génocide et à la torture. 

4.​ Au niveau du contenu du jugement, nous retenons trois points fondamentaux qui nous paraissent mériter une attention particulière : la représentation des populations du Sahara, le statut du Maroc vis-à-vis de la région du Sahara et la légalité de l’exploitation par le Maroc des ressources naturelles de la Région.

a. La représentation des populations du Sahara : 

Tout au long du jugement, la Cour sud-africaine se réfère au Polisario comme « un mouvement de libération nationale […] représentant les populations du Sahara occidental » et « reconnu comme tel par les Nations Unies » (paragraphes 5 et 6). Or ce qualitatif n’a jamais été consacré ni par les Nations Unies ni par l’Organisation africaine, ni par le Mouvement des non-alignés.

Au niveau africain, l’attribution du statut de « Mouvement de libération » a toujours été la compétence exclusive du Comité de libération de l’OUA. C’est ainsi que par exemple la SWAPO et l’ANC se sont fait reconnaître ce statut qui leur conférait une forme de représentation a l’OUA et aux Nations Unies, comme observateurs.

​Durant l’existence du Comité, entre 1963, date de la création de l’OUA et 1995, date de la disparition dudit Comité, le Polisario ne s’est jamais vu attribuer le statut de mouvement de libération, sans doute en raison de l’existence d’autres mouvements qui, eux, étaient des unionistes et de l’absence d’appui au sein de l’OUA pour l’octroi de ce statut. 

Au niveau de l’ONU, le Polisario n’est considéré ni comme « mouvement de libération » ni comme « représentant unique et légitime » ; mais seulement comme pétitionnaire au sein de la Quatrième Commission et du Comité des 24. Pour les besoins du processus de négociation en cours devant aboutir à une solution politique, le Polisario est considéré comme simple « interlocuteur », statut ponctuel et fonctionnel, sans conséquences juridiques, qui lui permet d’être impliqué dans les négociations sans pouvoir s’adresser, à quelque titre que ce soit, ni au Conseil de sécurité, ni à l'Assemblée générale ni à ses cinq autres Grandes Commissions. 

Cette conclusion sur la non représentativité du Polisario a également été consacrée par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans la détermination du champ d’application territorial de l’Accord de pêche entre le Maroc et l’UE.

A cet égard, on est en droit de s’interroger sur les raisons qui ont poussé le Polisario à présenter sa requête à la Cour sud-africaine en son nom et au nom de la « RASD », alors que celle présentée devant la Cour Européenne l’était seulement au nom du Polisario. Cette alternative pourrait s’expliquer par la latitude ainsi donnée au juge sud-africain pour jouer sur les deux statuts afin d’orienter son raisonnement et sa décision.

Autre inexactitude, sur la proportion des populations du Sahara se trouvant à l'Est du mur et dans les camps de Tindouf en Algérie. La Cour Sud-Africaine affirme qu’elle constitue la plupart de la population totale originaire de la région du Sahara’. Une lecture factuelle et neutre de l’historique du conflit aurait pu éclairer le juge sud-africain sur le fait que la majorité de la population de la région du Sahara vit au Maroc, comme cela a été attesté depuis longtemps par la Commission d’Identification des Nations Unies. Cette population ne peut, par conséquent, accepter de voir son droit à la représentation confisqué par le Polisario.

b. Le statut du Maroc vis-à-vis de la région du Sahara :

Dans son jugement, la Cour sud-africaine considère que le Maroc a récupéré la région du Sahara, par l’usage de la force (paragraphe19), que les populations de cette Région sont distinctes (paragraphe18) de la population du reste du Maroc et que, tout au plus, le Maroc peut être considéré comme ‘puissance administrante’ de facto pour les besoins des délibérations de la Cour.

En invoquant le principe général du droit international sur l’illégalité de l’acquisition des territoires par la force, la Cour sud-africaine affirme que le Maroc a occupé la Région du Sahara par la force et que l’Espagne a « offert/donné » (paragraphe19 et paragraphe41) le territoire au Maroc. De telles affirmations sont loin de la réalité et ne résistent pas aux faits avérés et dûment consignés dans des instruments juridiques internationaux.

La réalité est que le Maroc a récupéré son Sahara par des moyens exclusivement pacifiques, sans recourir, à aucun moment, à la force armée et que les Forces Armés Royales sont entrées dans cette Région, en vertu d’un accord négocié avec l’ex-Colonisateur, enregistré auprès des Nations Unis et entériné par une résolution de l’Assemblée générale.

​ Est-il besoin de rappeler que la Marche verte, moyen de pression pacifique et civilisé destiné à amener l’Espagne à négocier avec le Maroc la rétrocession de son Sahara, n’a donné lieu à aucune confrontation armée, ni même à un incident d’ordre militaire.

Est-il besoin de rappeler ensuite, que le processus de décolonisation du Maroc est un cas sui generis, puisque si l’occupation du territoire marocain s’est faite en étapes, la récupération de l’intégralité du territoire du Maroc s’est également faite progressivement et attend d’être parachevée. Ce qui a en fait constitué une constante, dans la démarche du Maroc, c’est sa détermination d’accomplir son intégrité territoriale pleine et entière à travers la négociation et en harmonie avec la légalité internationale. 

Est-il besoin de rappeler enfin, que l’Avis consultatif de la CIJ a reconnu des liens d’allégeance entre les tribus du Sahara et les Sultans du Maroc, et que l’organisation de la Marche Verte a conduit à la négociation de l’Accord de Madrid du 14 novembre 1975. Il s’en est suivi le retour définitif et conforme au droit international et à la Charte des Nations Unis, du Sahara ex-espagnol à la mère patrie.

​Ce même accord a été enregistré le 9 décembre 1976 au secrétariat de l’ONU, conformément à l’article 102 de la Charte et entériné par l’Assemblé Générale dans sa résolution 3458(B) du 10 décembre 1979.

De tous ces développements, la Cour sud-africaine a décidé de faire table rase et est allée même jusqu’à affirmer que la population du Sahara est distincte de celle du Maroc et que la « Hassania est plus proche de la Mauritanie que du Maroc » (paragraphe18). Une telle affirmation méconnait complètement l’histoire, la sociologie et la démographie de l’ensemble du Sud marocain y compris la région du Sahara, et tout particulièrement le degré d’intégration des tribus du sud dans la société marocaine.

c. L’exploitation des Ressources naturelles du Sahara :

Depuis la présentation par le Maroc en avril 2007 de son initiative d’autonomie, l’Algérie et le Polisario ont entrepris des actions destinées à neutraliser la dynamique créée par cette proposition d’autonomie. Ce fut, depuis huit années, la tentative d’inclusion de la dimension des droits de l’Homme dans le mandat de la MINURSO. Puis, devant l’échec de cette démarche, le Polisario s’est tourné vers la question des ressources naturelles du Sahara, dont il conditionne l’exploitation par la consultation des populations des camps de Tindouf ou par l’utilisation des revenus qui en découlent au profit exclusif de ces mêmes populations.

En réalité, l’objectif du Polisario est tout autre : Devant la contestation grandissante des populations des camps de Tindouf de leur condition humanitaire, l'objectif du Polisario est procéder à un nivellement par le bas, en privant les populations de la Région du Sahara de tout bénéfice de l’exploitation des ressources naturelles locales pour les mettre dans la même situation de précarité que les populations des camps de Tindouf.

En effet, grâce aux visites familiales entre la région du Sahara et les camps de Tindouf, les visiteurs ont pu constater eux-mêmes le développement sans précédent enregistré durant les dernières années dans la Région, et qui contraste avec la situation humanitaire à laquelle ils se trouvent réduits dans les camps.

En reprenant à son compte la thèse du Polisario sur la taille de la population des camps de Tindouf, la Cour affirme que « ceux qui peuvent bénéficier de l’extraction des phosphates ne sont pas les populations du territoire mais plus probablement les colons marocains » (paragraphe48), et que « la propriété de la cargaison revient au Polisario » (paragraphe49). Ce faisant, l'instance judiciaire sud-africaine se base essentiellement sur les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies et sur l’avis de son Conseiller juridique pour essayer de contester la légalité de l’exploitation par le Maroc des ressources naturelles du Sahara.

A cet égard, il sied de rappeler que le contexte dans lequel ces résolutions ont été adoptées était marqué par la volonté des pays du Tiers-monde, appuyés par le bloc socialiste, de reconquérir leur pleine souveraineté y compris les moyens d’assurer leur indépendance politique et leur développement socio-économique. Ce processus a donné lieu à une série de résolutions adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU de 1952 jusqu’à la fin des années 70. La quintessence de ces instruments peut être ramenée à trois paramètres : 

▪ La non-discrimination entre les populations de la Région,
▪ Le développement du bien-être de ces populations et la promotion de la viabilité de leur environnement,
▪ La non-exploitation des ressources de la Région au mépris ou au détriment des intérêts de sa population. 

L’insistance sur ces principes s'explique par le contexte historique de la décolonisation marqué, à la fois, par l’exploitation à outrance par les ex-puissances coloniales des ressources naturelles de leurs territoires d’outre-mer, au profit exclusif de la métropole, sans égard aux intérêts des populations autochtones et par le souci des pays nouvellement indépendants de se soustraire à toute influence extérieur.

Quant à l’avis de 2002 du Conseiller juridique des Nations Unies Hans Corell, le haut responsable onusien y affirme que : « l’analyse des dispositions de la Charte des Nations Unies, des résolutions de l’Assemblée Générale, de la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice, et de la pratique des Etats » indique que l’ « exploitation n’est illégale que si elle est menée au mépris des besoins et des intérêts de la population du territoire en question ». 

L’application des 3 principes à la situation des populations du Sahara permet de dégager les constats suivants :

▪ L’essor que la Région du Sahara a pu enregistrer, laisse apparaître effectivement une discrimination. Toutefois, cette discrimination est plutôt positive en faveur des populations locales. Elle a été dictée par la nécessité de combler le déficit accumulé depuis 1975 dans l’ensemble des secteurs du développement. En voici quelques chiffres symboliques :
  * La région du Sahara compte actuellement plus de 3379 km de route, contre 850km en 1975, un taux d’électrification de 92% alors que la moyenne nationale est de 71%, 74 établissements d’éducation contre 6 en 1975, 50 établissements sanitaires au lieu de 10, l’Indice du Développement Humain est passé de 0,408 en 1975 à 0,729 actuellement (alors que l’indice national est de 0,672).

Une étude entreprise par le Cabinet de conseil KPMG en juillet 2015 axée plus particulièrement sur le rôle et l’impact de la Société Phosboucraa dans le développement socio-économique de la région du Sahara, a révélé ce qui suit :

▪ Phosboucraa est le plus large employeur de la Région avec 2200 employés auxquels s’ajoutent 627 emplois créés par les 50 sociétés sous-traitantes dans la région.
▪ Le pourcentage des employés originaires de la région est passé de 4% en 1975 à 76% en 2017.
▪ En 2016, les 500 personnes recrutées étaient à 100% des locaux
▪ Le Top management de la société compte en 2017 vingt hauts responsables de la Région au lieu d’un seul en 2003
▪ En termes d’investissement, tous les profits réalisés par la Société Phosboucraa sont entièrement réinvestis localement,
▪ l'OCP projette d’investir $250M entre 2013 et 2022 dans le développement de la Région

La démonstration est ainsi faite que non seulement le phosphate extrait du sous-sol de la Région du Sahara n’est pas exporté « au mépris » ou « au détriment » des populations locales mais qu’il profite, en grande partie, à ces mêmes populations.

Bien plus, le devoir de solidarité de la Nation marocaine vis-à-vis de sa composante Sahraouie a généré l’allocation par le Budget de l’Etat de ressources supplémentaires qui dépassent largement les Revenus des phosphates et de la pêche, puisque pour chaque dollar des Revenus tirés de la région correspond sept dollars investis par le secteur public et privé marocains.

Pour mieux comprendre la portée du jugement de la Cour sud- africaine, il importe de le lier au contexte dans lequel il intervient et qui est marqué par les déterminants suivants :

▪ Le retour du Maroc a l'Union africaine et le rôle qu'il pourrait jouer dans la dynamisation des structures de l'Organisation et l'amélioration de ses capacités 
▪ La place que le Maroc occupe désormais sur plan continental et ses initiatives concrètes de co-développement centrées s'entre autres sur le vecteur phosphatier
▪ La perspective d'une relance prochaine du processus de recherche d'une solution politique réaliste, sous un nouveau leadership des Nations Unis
▪ L'adversité qui caractérise les relations bilatérales entre Rabat et Pretoria à cause justement de la question du Sahara.

C’est sans doute à ces éléments que la Cour Sud-Africaine a pensé lorsqu’elle évoque à maintes reprises dans son jugement la complexité et la nouveauté de l’affaire qui lui a été soumise. Toutefois, contrairement au tribunal maritime du Panama qui, pour ces mêmes raisons, a déclaré non recevable la requête du Polisario, la Cour Sud-Africaine a décidé de renvoyer l’affaire du Navire « Cherry Blossom » à un jugement sur le fonds.

Cette prochaine étape donnera l’occasion à la Cour sud-africaine quant de dépasser le faux pas du 15 juin et de réparer le tort fait aux relations entre le Maroc et l’Afrique du Sud. Ce sera aussi l'occasion de mesurer le degré d'indépendance de la justice de ce pays et son imperméabilité aux pressions et influences externes. 

Ceci dit, et au delà de cette affaire, le véritable enjeu dépasse largement la saisie de 50.000 tonnes de phosphates. Le véritable enjeu qui interpelle l’ensemble de la communauté internationale, est l’impact négatif de tels agissements sur la confiance entre Etats, le respect de la souveraineté des Etats y compris leur immunité de juridiction et d’exécution, ainsi que l’impératif de la coopération internationale, gage de la fluidité des transactions commerciales et de la sécurité des routes maritimes. Ce qui est en jeu, c’est la sureté et la prévisibilité qui sont toujours attachées à toute règle de droit, et à fortiori, aux règles du droit international dont la finalité est de réguler les relations entre Etats souverains, d’éviter l’arbitraire, l’unilatéralisme et l’instrumentalisation politique.

Dans l’attente de la décision sur le fond de la justice sud-africaine, il est permis d’espérer que la primauté du droit, le sens des responsabilités et le bon sens tout court, finiront par prévaloir.