Covid-19 : l’impact de la crise sur le tourisme en Afrique
L’Afrique a perdu 70 % de ses arrivées touristiques en 2020, selon le dernier baromètre de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), soit un peu moins que la moyenne mondiale (74 %).
Au début de la crise, l’Union africaine (UA) s’inquiétait surtout pour les petits pays insulaires fortement dépendants du tourisme. Les Seychelles ont perdu 71 % de leurs visiteurs en 2020, avec 114 850 arrivées contre 384 000 en 2019, et 61 % de leurs revenus touristiques. Lourde perte, dans la mesure où le secteur représente 30 % du PIB selon la Banque mondiale, et plus de 55 % indirectement selon le CIA World Factbook. L’archipel tente de sortir la tête de l’eau en acceptant depuis le 14 janvier les voyageurs vaccinés, outre ceux présentant un test Covid négatif de moins de 72 heures. L’île Maurice, très fréquentée par les Sud-africains, a connu une baisse de 77 % des arrivées, tandis que le chômage a grimpé à 21 %, contre 7 % en 2019.
Au Kenya, où le tourisme représente 9 % du PIB et 10 % de l’emploi, les arrivées sont tombées à 439 500 en 2020, contre 1,54 million en 2019, selon le Bureau national des statistiques (KNBS). La reprise a timidement commencé en septembre avec 20 150 arrivées, et un pic de 47 400 en décembre. Il reste difficile de brosser un tableau complet de l’état du tourisme sur le continent, faute de statistiques détaillées dans nombre de pays. Seule certitude : la pandémie s’est traduite par des saisons blanches pour les trois principales destinations africaines que sont l’Egypte, le Maroc et l’Afrique du Sud. Trois pays qui ont mis en place des politique publiques différentes pour soutenir le tourisme.
Plan de sauvetage à 2,63 milliards d’euros en Egypte
Secouée par des attentats terroristes et la Révolution de 2011, l’Egypte était enfin revenue à son rang de première destination touristique africaine en 2019, avec 13,6 millions de visiteurs. Un niveau tombé à 3,5 millions en 2020, avec seulement deux mois d’activités fructeuses, en janvier et février 2020, sur toute l’année. Depuis, les taxis, restaurateurs et hôteliers cherchent en vain des clients.
Les recettes sont brutalement passées de 13 à 4 milliards de dollars entre 2019 et 2020, alors que le secteur représente 12 % du PIB et 12 % de l’emploi. La Banque centrale égyptienne a lancé de grands plans de soutien en mai 2020, dont l’un pour le tourisme. Une enveloppe de 50 milliards de livres égyptiennes (2,63 milliards d’euros) a été allouée aux entreprises privées opérant dans le secteur, sous forme de baisse des taux d’intérêts (de 10 % à 8 %) des prêts à long terme (pour les hôtels et les transports) et à court terme (pour les promoteurs immobiliers d’hôtels et resorts en construction, les compagnies aériennes, agences de voyages et restaurateurs).
Avec l’ouverture du Grand Musée d’Egypte près des pyramides de Gizeh, reportée à fin 2021, les opérateurs ne perdent pas espoir. L’édifice, spectaculairement recouvert d’albâtre, abritera tout un pan méconnu des trésors archéologiques de l’Egypte ancienne, outre une galerie marchande. Mais en attendant que les campagnes de vaccination permettent de voyager de nouveau, l’Egypte est contrainte de brader ses prix. Les chambres dans certains palaces sont facturées trois fois moins que leur prix normal, et la possibilité de faire un test Covid-19 à l’arrivée sur le territoire (contre 30 dollars à l’aéroport de Hurghada) n’a pas modifié les tendances. Au contraire : le gouvernement a du resserrer la vis en décembre, après l’entrée de touristes présentant de faux tests Covid. Les documents manuscrits, sans cachet du laboratoire d’analyses ou écrits dans d’autres langues que l’anglais ne sont plus acceptés.
50 000 employés aidés au Maroc
Seconde destination d’Afrique avec 12,9 millions d’arrivées en 2019, le Maroc accuse aussi le choc. Le secteur, qui représente 7 % du PIB et 5 % de l’emploi (550 000 postes), est en berne. La chute de 78 % des arrivées de janvier à fin octobre 2020, selon le ministère du Tourisme, s’est traduite par le licenciement de 35 % des employés du secteur, selon le ministère des Finances. Sur toute l’année, les recettes touristiques ont baissé de 54% à 36,4 milliards de dirhams, selon l’Office des changes du Maroc.
Le plan massif d’aide aux salariés comme aux entreprises, mis en place dès mars 2020 par le Maroc à l’aide d’un Fonds spécial et de toute une série de mesures, a bénéficié au secteur. Le comité de veille mis en place par les autorités a décidé fin novembre de prolonger jusqu’à fin mars 2021 les aides dans ce secteur sinistré, à raison de 2000 dirhams par mois (186 euros) versés aux salariés – une aide qui a bénéficié à 50 000 employés du tourisme entre mars et novembre selon la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). En outre, un moratoire de trois mois supplémentaires a été accordé aux entreprises pour le paiement des traites et leasings.
De son côté, le ministère du Tourisme a lancé en août 2020 un contrat-programme entre acteurs privés et publics en vue de la relance du tourisme, pour faire face à une crise qui menace 50 % des emplois et risque de se faire sentir « au moins jusqu’à la fin de l’année 2023 ». Parmi les mesures prises, la prolongation jusqu’à fin 2021 du délai de remboursement du découvert exceptionnel obtenu dans le cadre du plan de soutien aux entreprises « Daman Oxygène », outre trois nouvelles formes de garanties de l’Etat (de 80 à 95 %) pour les crédits de relance de l’activité.
En Afrique du Sud, 66 millions d’euros de crédits
Troisième destination africaine avec 10,23 millions de visiteurs en 2019, l’Afrique du Sud a elle aussi été frappée de plein fouet. La désolation est telle, dans un secteur qui compte pour 2,9 % du PIB et 1,5 million d’emplois directs et indirects, que l’agence nationale SA Tourism ne publie plus ses statistiques depuis mars 2020, le mois où les frontières ont été fermées.
Leur réouverture le 1er octobre n’a pas eu les effets escomptés, l’apparition d’une variante sud-africaine du Coronavirus en fin d’année ayant dissuadé les plus téméraires. Entre janvier et mars 2020, la baisse des arrivées a été de 10 % par rapport à 2019, avant une chute abyssale de -91 % pour le seul mois d’octobre par rapport à octobre 2019. Quant au chômage, alimenté par la crise économique générale, il est passé de 23,3 % à 30,8 % entre les deux premiers trimestres 2020, aggravant ce fléau structurel en Afrique du Sud.
La stratégie nationale du tourisme décidée avant la pandémie pour la période 2016-26 vise à “transformer” le secteur et le rendre plus “inclusif”, avec une participation plus active de la majorité noire de la population. Le président Cyril Ramaphosa a lancé fin janvier un Tourism Equity Fund de 1,2 milliard de rands (66,3 millions d’euros) pour aider à la reprise du secteur, en ciblant les PME en particulier. Un maximum de 15 millions de rands (829 000 euros) par entreprise sera prêté, avec un délai maximal de dix ans pour le remboursement.
Les opinions exprimées dans cet article appartiennent à l’auteure.