Les Transitions Economiques dans la Région MENA, Enjeux et Perspectives pour le Maroc?
by Shantayanan Devarajan & Jean Pierre Chauffour;
La conférence a été l’occasion d’aborder la situation économique du Maroc et du monde arabe et de comparer les performances économiques avec celles d’autres pays afin de faire ressortir les déterminants de la croissance et les contraintes au développement.
Une évolution erratique de la croissance marocaine
La croissance marocaine a connu des évolutions très contrastées ces dernières décennies. On observe sur la période 1960-2010, que des pays qui étaient dans des situations similaires au Maroc en 1960 ont réalisé des performances nettement meilleures et ont considérablement augmenté leur PIB/habitant, comme la Turquie ou la Corée du Sud (cf. graphique ci-dessous).
Source : Banque Mondiale
Pour le cas marocain, ces performances moindres sont liées à une forte volatilité du taux de croissance qui s’explique par plusieurs éléments comme les variations des prix agricoles et la phase d’ajustement structurel que le pays a connu à partir du début des années 1980. Selon les différents scénarios tendanciels, la croissance du Maroc varierait entre 2,6% et 4,6% à l’horizon 2034 (cf. graphique ci-dessous).
Source : Banque Mondiale
Dès lors, la question qui se pose est de savoir si ce taux de croissance sera suffisant pour répondre aux attentes de la population en termes de réalisation des objectifs sociaux et de création d’emploi.
De nombreux ouvrages se sont intéressés aux facteurs expliquant ces décalages de croissance alors que les situations de départ sont à priori similaires voire parfois avantageuses pour les pays aux performances moindres (disponibilité des ressources naturelles, position géographique stratégique, structure démographique jeune …etc.).
Parmi les facteurs explicatifs, ces différences de taux de croissance entre les pays sont associées, entre autres, à la qualité du tissu institutionnel et à la bonne gouvernance. L’approche institutionnelle, théorisée au début des années 1970, lie les performances économiques aux caractéristiques des institutions composant le pays. Ainsi l’existence d’institutions économiques et politiques dites « inclusives » serait un atout majeur pour la réussite économique. Les institutions économiques inclusives respectent la règle de droit et le droit de propriété ; elles se conforment au fonctionnement de l’économie de marché et promeuvent la concurrence libre et non faussée. Les institutions politiques inclusives sont la garantie d’une représentation juste et plurielle et œuvrent pour le respect de la loi, l’équilibre des pouvoirs, la transparence et l’égalité des chances. Un élément essentiel dans la mesure de l’efficacité institutionnelle est le droit à l’information et la facilité d’y accéder. Enfin, un autre facteur de succès réside dans l’existence de contre-pouvoirs crédibles et capables d’œuvrer en faveur d’une bonne gouvernance.
Les défis à soulever pour une croissance durable
La conférence a souligné également qu’une croissance accélérée et soutenable était avant tout corrélée à deux défis majeurs que sont la diversification de l’économie et la création d’emploi. Pour faire face à ces défis, trois contraintes sont à prendre en considération : la construction d’infrastructures, la formation du capital humain et la politique industrielle.
Dans la majorité des cas, la gestion de ces contraintes est d’abord un enjeu politique avant d’être d’ordre technique. Pour illustrer ce propos, divers exemples tirés du secteur de l’éducation en Uganda ou de la gestion de l’eau en Inde ont été présentés. Pour chacun des cas, il a été clairement démontré que la question de la gouvernance était à l’origine des dysfonctionnements. A titre d’exemple, une étude des couloirs de transport africains a permis de démontrer la nécessité de réglementer les marges de profit des opérateurs de camions puisqu’elles étaient anormalement élevées(cf. graphique ci-dessous). Au Rwanda, la réglementation de ces marges de profit a permis une baisse des tarifs d’environ 75%.
Source : Banque Mondiale
Un autre frein à la croissance économique est parfois lié à la structure même des économies, comme c’est le cas de la région MENA. En effet, plusieurs secteurs y sont caractérisés par une structure oligopolistique ou monopolistique du marché. Souvent, un petit nombre de grandes entreprises côtoient de très petites entreprises. Il y a, dans ces cas-là, un « chaînon manquant » que sont les entreprises moyennes et qui peuvent garantir une concurrence loyale et un libre fonctionnement du marché. Les pratiques clientélistes et l’économie de rente, peuvent également être considérés, à divers égards, comme des contraintes supplémentaires à la libre concurrence et à l’innovation.
Les pistes de solution…
Pour remédier à ces problèmes de gouvernance, les solutions se situent souvent au niveau des politiques d’incitation à mettre en place, de la décentralisation qui rapproche le citoyen des centres décisionnels et de l’accès à l’information. L’innovation et l’imagination sont également à encourager pour trouver des réponses au cas par cas.
Parmi les pistes de solution pour impulser l’économie marocaine, les intervenants ont évoqué la diversification et le développement de l’offre exportable marocaine par l’adoption d’une politique de change favorable aux biens échangeables et par une réglementation plus adaptée des appels d’offre. Le Maroc devrait également développer des niches pour pénétrer le marché européen afin que le Statut avancé se traduise par des retombées économiques plus importantes. En agissant, d’une part, sur les déterminants de la croissance préalablement identifiés, et d’autre part, sur les contraintes au développement, le Maroc peut optimiser sa croissance économique et répondre aux besoins de son développement économique et social.
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Shantayanan Devarajan
Shantayanan Devarajan is the Chief Economist of the World Bank’s Africa Region. Since joining the World Bank in 1991, he has been a Principal Economist and Research Manager for Public Economics in the Development Research Group, and the Chief Economist of the Human Development Network, and of the South Asia Region. He was the director of the World Development Report 2004, Making Services Work for Poor People. Before 1991, he was on the faculty of Harvard University’s John F. Kennedy School of Government.
The author or co-author of over 100 publications, Mr. Devarajan’s research covers public economics, trade policy, natural resources and the environment, and general equilibrium modeling of developing countries. Born in Sri Lanka, Mr. Devarajan received his B.A. in mathematics from Princeton University and his Ph.D. in economics from the University of California, Berkeley.