L’Union européenne sort ses griffes contre le Maroc, quel courage !!
Au-delà des faits et de leurs soubassements, la réaction de l’Union européenne au flux massif de migrants vers Sebta révèle le vrai visage de ce partenaire clé du Maroc et du continent africain ; une posture représentée par deux visages opposés, celui des beaux discours sur les valeurs du partenariat et, l’autre, de la realpolitik tournée plus vers le passé que vers le futur.
Quelle confiance peuvent garder les deux partenaires après que l’Union européenne ait exprimé sa solidarité avec l’Espagne contre le Maroc sans faire preuve de diplomatie et de tact :
« Ceuta, c’est l’Europe, cette frontière est une frontière européenne et ce qui se passe là-bas n’est pas le problème de Madrid, c’est le problème de tous » … « L’Europe ne se laissera intimider par personne » …. « Personne ne peut intimider ou faire chanter l’Union européenne » … « Les frontières de l'Espagne sont les frontières de l'Union européenne », ont déclaré respectivement le Vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas et le Président du Conseil européen, Charles Michel.
On reste déconcerté face à de telles déclarations, car elles sous-entendent une étrange rationalité stratégique.
D’abord, la solidarité européenne, qui peine à prendre forme face à des puissances comme la Chine et la Russie, s’est rapidement manifestée contre un « petit » pays, en termes de hard power, mais une grande Nation, dont le PIB ne dépasse pas 112,22 milliards de dollars US. L’empressement avec lequel l’Europe a montré ses muscles au Maroc révèle la désillusion de son discours méditerranéen auquel personne ne croit plus. Il fut un temps où la gouvernance européenne était prise au sérieux ; aujourd’hui, elle parle le langage diplomatique des « deux poids, deux mesures ». Quand elle s’adresse à la Chine, elle le fait en ordre dispersé et dans un langage diplomatique inconsistant. Pis encore, elle perd sa langue face aux crimes perpétrés par le gouvernement Netanyahu contre les civils palestiniens.
Ensuite, l’Europe fait fausse route si elle entend soumettre le Maroc à sa vision "fantasmée" : appuyer la présence coloniale espagnole sur un territoire africain ; imposer le rôle de gendarme au Maroc face aux flux migratoires illégaux ; maintenir le statuquo sur la question du Sahara, que vient de briser la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur les provinces du Sud. Ces positions s’opposent aux principes fondamentaux du pays et à ses engagements africains, tout comme elles entretiennent un climat géopolitique délétère.
Enfin, cette rationalité est dangereuse, car elle vient conforter la gestion à trois voies de la politique marocaine et africaine de certaines puissances européennes, dont l’enjeu est l’intérêt égoïste : logique de l’Etat profond (services de renseignement) avec son lot de pression et de chantage ; logique normative classique diplomatique et économique ; logique soft des ONG, dont l’enjeu n’est pas seulement la promotion légitime des valeurs de la coopération, mais servir aussi, par ricochet, des objectifs politiques intéressés. En période de crise, tout comme pour les dossiers du Sahara, des litiges territoriaux et des capacités stratégiques du Maroc, c’est bien le reflexe de l’Etat profond qui prend le lead chez notre voisin espagnol, comme ce fut le cas de la crise de l'îlot de Tourah (2002).
Soyons réalistes, la situation que nous vivons aujourd’hui pourrait être amenée à se reproduire de manière récurrente. D’ailleurs, la gestion des crises diplomatiques s’impose comme la normalité dans les relations avec l’Europe. Dès lors, il est recommandé de tenir compte de quatre réalités :
1- Les facteurs géographique, historique et humain font de l’Europe un partenaire traditionnelsans être exclusif ;
2- Les capacités asymétriques sur les plans diplomatique, économique et militaire devraient être renforcées indépendamment des partenaires historiques européens ;
3- Le développement humain est la seule et unique solution aux problèmes socio-économiques du Maroc, c'est peu dire que le pessimisme et la défiance d’une partie de la jeunesse atteignent un stade critique ;
4- Si le Maroc se bat pour ses intérêts fondamentaux contre des pays plus puissants que lui, c’est son droit le plus strict d’utiliser les cartes qu’il juge pertinentes sans que cela ne ternisse son image. Car dans toute bataille diplomatique, il ne faut surtout pas perdre sa dignité.
Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que l'auteur.
Initialement publié sur le Quid.ma